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Histoire de la Commune

Présentation de la commune de Saint-Laurent-les-Tours

Michel Arnaudet

DE SAINT-SÉRÉ À SAINT-LAURENT-LES-TOURS

L'histoire de notre commune est intimement liée à celle de Saint-Céré. Leur proximité géographique et la répartition de l'implantation humaine dans la vallée au fil des siècles en sont le fondement.

De cette complémentarité, pourtant, telles deux pièces différentes d'un puzzle mais unies dans un même destin d'ensemble, Saint-Laurent (comme Saint-Céré qui lui a usurpé son nom), développera sa propre identité avec, à sa source, son relief valonné à l'origine d'une ordonnance historique, sociale, économique et donc humaine particulière.

Partons ainsi, en quelques lignes, sur les traces d'un chemin qui va nous conduire de Sancti-Séréni à Saint-Laurent-Les-Tours en passant par Sant-Séré.

Prologue :

Lorsque nous nous penchons sur les origines historiques de notre commune, nous tombons immanquablement sur celles du château fondateur et de la légende de Sainte-Spérie et Sérénus. Or, qui dit légende, dit récit transformé par l'imagination populaire ou l'invention poétique. Et si certains points s'avèrent réels, la plupart relèvent de la croyance et non de la raison. Nous l'utiliserons cependant car, comme disait Sylvestre de Sacy: "La légende est un pont qui conduit à la vérité". Mais nous tâcherons de l'associer à la réalité historique pour retrouver au mieux notre authenticité.

Aux origines :

Lors des sondages réalisés au cours des fouilles préventives effectuées sur les terrains destinés au lotissement de Lascol, des traces d'un foyer préhistorique sans intérêt majeur ont été mises à jour en bordure du ruisseau de Béoune, à l'emplacement actuel du bassin de rétention d'eau. Apparemment les indices d'une halte provisoire de chasseurs pistant un banal gibier. Mais, dans l'ensemble, aucun vestige essentiel d'une quelconque occupation humaine dans le secteur, contrairement à la vallée de la Dordogne pourtant relativement proche.

Il faudra attendre le néolithique pour trouver une occupation humaine assez conséquente principalement basée sur le plateau opposé des Césarines avec, comme site principal, le Cayla et sa "Col", barrière défensive protégeant le promontoire. Sur le territoire de notre commune, point d'ouvrages visibles de cette époque, même si l'on peut supposer que des populations clairsemées ont pu y demeurer d'une manière ou d'une autre.

Antiquité :

C'est à cette période (à partir de l'an 1000 avant Jésus-Christ environ) que le secteur entamera véritablement son expansion humaine. Celle-ci sera principalement initiée par le relief qui fournira toutes les garanties d'une vie possible: la sécurité avec les promontoires des Césarines qui se développeront en oppidum (à l'origine du village de Saint-Jean-Lespinasse), les voies commerciales au carrefour de "pagi" différents (pagus des Lémovices au nord du futur Belmont-Bretenoux, pagus des Pétrocores en descendant le cours de la Bave et de la Dordogne, pagus des Cadurques au sud du plateau calcaire et pagus des Arvernes en remontant les gorges de la Bave vers Latouille), l'agriculture avec les terrains fertiles de la vallée de la Bave, l'élevage d'ovins sur les plateaux et de bovins sur les contreforts du massif central avec ses forêts giboyeuses et sources de bois, et enfin, la rivière source de vie (Le nom de "Bave" vient du latin "Bava", lui même issu du celte "Baua" ayant la même origine étymologique, à savoir "boueuse", "couleur rouge", qui provient de la teinte de l'eau après de fortes pluies).

Les Celtes s'installeront sur ces terres à partir de l'an - 800. Ce carrefour stratégique verra le renforcement de l'oppidum du Cayla (toponyme d'origine indo-européenne qui signifie "point haut fortifié"). En – 51, la nation des Cadurques dont dépendait notre territoire local est le dernier peuple à résister à Jules César. La bataille d'Uxellodunum officiellement située au Puy d'Issolu de Vayrac, tout proche, en demeure le symbole. Certains historiens du début du XXème siècle iront même à considérer à tort les Césarines comme un des camps retranchés de l'armée romaine pendant le siège.

Durant la Pax Romana, l'empire romain va donc disperser ses légions sur tout son empire pour mieux le contrôler. L'oppidum du Cayla se verra augmenté d'une nouvelle fortification plus performante que la Col néolithique et abritera une population gallo-romaine pastorale complétée de numérii (guerriers indigènes aux ordres des romains) assez conséquente. Pour compléter le dispositif défensif, des oppidulums (petits camps de base) seront établis sur les buttes de la vallée (Pech d'Embrieu (?), roc de Saint-Laurent, pointe de la Césarine du Syriés). Si le sommet du Pech d'Embrieu sera abandonné rapidement, la plateforme rocheuse, futur socle de notre château, sera aménagée pour abriter et sécuriser un campement régulier. Quelques fouilles archéologiques en témoignent.

C'est à partir de cette époque que la légende de Sainte-Spérie empruntera vraisemblablement certains éléments pour son montage.

De l'Histoire à l'histoire :

L'Histoire (avec un grand H) nous apprend qu'un proconsul de la Gaule transalpine, établi à Burdigala (Bordeaux), et du nom de Caïus Sérénus fut responsable de l'établissement de forts et castrums romains sur tout son territoire afin de maintenir la Pax Romana. Un oppidulum sous ses ordres utilisant de fait le vocable de "Castrum Sérénus" est plausible. Vraisemblable aussi (et même davantage que l'hypothèse précédente car vérifié avec d'autres exemples de même type en d'autres lieux), était la pratique du culte d'un général romain chrétien du nom de Sérénus devenu disciple du jeune Origène d'Alexandrie sous l'empereur Septime Sévère de 193 à 211 et qui sera sanctifié en Saint-Sérénus (Sancti-Sereni).

Cette conjecture peut être appuyée par le fait qu'à leur retour d'Egypte, de nombreuses légions romaines dont les éléments avaient adhéré au christianisme primitif (église copte égyptienne) avaient été redéployées dans des castrums en Gaule (exemple de Saint-Maurice dans les Alpes). La tradition voulait que les généraux disparus soient l'objet de véritables cultes par leurs soldats, ceux-ci les adorant au même titre que leurs dieux.

Il existe aussi un autre Saint-Sérénus ou Cerneuf qui vécut en Pannonie, qui eut la tête tranchée par ordre de l'empereur romain Maximien en 307 et dont les reliques furent rapportées à Billom (Puy de Dôme) en Auvergne toute proche.

De plus, il est prouvé que jamais les seigneurs du Castel de Sérénus ont établi une lignée avec leur nom (comme cela fut le cas pour les "Turenne" et les "Castelnau"). Les archives nous informent uniquement sur l'existence de familles de coseigneurs sans lien avec une famille "Sérénus". On peut donc, à juste titre, penser qu'il n'y a pas eu de seigneur nommé "Sérénus" au castel (en tout cas il n'y en a pas la preuve historique) et encore moins un "Saint-Sérénus", seigneur d'un château en Quercy, dans le martyrologue romain (malgré ce qu'en dit la légende). On peut cependant noter pour l'anecdote, qu'un os de cuisse d'un Saint-Sérénus fut offert en relique en 1646 par le prieur du monastère de Saint-Augustin de Toulouse, l'ayant lui-même obtenu de Rome, mais on ne sait à quel Saint-Sérénus elle se rapporte et l'os demeure introuvable.

On peut relever aussi l'existence d'un duc d'Aquitaine nommé Sérénus basé à Bordeaux au VIIIème siècle, prince régnant sur le Quercy. Cela en référence à la légende qui précise que le "Sérénus" du castel était duc d'Aquitaine. Mais cette version ne se peut car la capitale du duché, lieu du pouvoir résidentiel ducal, fut soit Sainte, soit Bordeaux, mais jamais un coin perdu et isolé au fin fond des limites boisées de la province comme l'était notre secteur.

Seul donc un culte voué à un "Sérénus" ou un "Saint-Sérénus" (quelle que soit son origine) sur le roc, par des soldats romains, est fort plausible quant à l'origine du toponyme du castrum.

De fait, nous pouvons raisonnablement penser que certains de ces éléments de la "grande Histoire" serviront plus tard de base à la création de la légende, devenue la petite histoire populaire encore utilisée dans tous les ouvrages et prospectus touristiques pour expliquer nos origines. Malheureusement, comme disait Pascal: "On est emporté à croire non par la preuve, mais par l'agrément".

Fin de l'antiquité, début du Moyen Âge :

Faisant le pendant à l'oppidum des Césarines, le castrum "Sanctus-Sérénus" avec son autel et oratoire dédié au culte du saint, abritera donc une fraction de garnison romaine. Le promontoire, assise rocheuse en forme d'amande, sera complété d'un camp de toile et de cabanes. La roche sera entaillée pour accentuer sa verticalité et élaborer une rampe d'accès, développant ainsi son système défensif. Tout autour du socle, une terrasse, ayant aussi servi de carrière de pierres, sera aménagée.

La partie nord de notre commune actuelle, sera humanisée et occupée au même titre que d'autres points de la vallée (Lentillac avec Lentilius, Loubressac avec Lupercus, Pauliac avec Paulius par exemple), vraisemblablement par une villae Gallo-romaine appartenant à un Crixus ou Crixsius qui sera à l'origine du nom du hameau de Crayssac.

Dès le début des invasions barbares, le castrum est un site habité. Après le passage des Vandales, des Suèves et des Alains, Athaulf, beau frère d'Alaric roi des wisigoths, entre en Gaule et ses troupes s'installeront sur le site comme sur ceux de tout leur nouvel empire (sud de la Gaule avec Toulouse comme capitale et la péninsule ibérique). En 475, l'Aquitaine sera au main de leur roi Euric. Les wisigoths sont Chrétiens mais Ariens. Sur notre pech, le culte de Sérénus a pu se maintenir d'autant plus que la vision arienne, par rapport à celle des nicéens, se rapproche davantage de celles des églises copte et grecque "orthodoxe".

En 486, Clodovech, roi franc latinisé en Clovis, prendra le pouvoir. Après avoir écrasé les Alamans, il se fera baptiser en 498 par l'église nicéenne. Avec son appui, il défera les wisigoths à la bataille de Vouillé en 507. Son fils Thierry Ier poursuivra les rescapés par l'Auvergne et installera ses troupes dans notre région. En 511, à la mort de Clovis, il deviendra ainsi le roi du Pagus Cadurcinus, futur Quercy. En 534, désormais sous la coupe des francs mérovingiens, nous serons rattachés à l'Austrasie sous le contrôle de son fils Thiber Ier puis de Théodobalt en 555 qui lui succèdera, avant de finir sous la coupe de Clotaire Ier, troisième fils de Clovis.

A sa mort en 561, c'est une succession de guerres fratricides qui apportera son lot de malheurs dans la vallée. Les mérovingiens n'avaient aucun sens de l'unité de l'état et confondaient droits publics et droits privés. Possédant une administration très faible et sans bonnes ressources fiscales, ils chercheront à s'attacher la fidélité des aristocrates guerriers et religieux en leur distribuant des domaines fonciers. Certains deviendront ainsi plus puissants et plus riches que leurs souverains.

C'est ainsi qu'en Aquitaine dont nous faisions partie, un prince local, Waïffre, tentera de s'engager sur la voie de l'indépendance en menant une guérilla féroce contre la représentation militaire royale. Malheureusement pour lui, Pépin le Bref, fils du célèbre Charles Martel, proclamé roi des francs et de la Francie, passera par le Limousin en 760 pour remettre de l'ordre. Il s'emparera de Cahors et, en 761, il installera un de ses proches; Immon, sur une roque après en avoir chassé son seigneur légitime Agarn. Cette roque peu éloignée de la nôtre portera le nom de "Turenne" (Du pré-latin "turra" (mont) et du suffixe gaulois -enna) et aura, par la suite, une importance majeure quant au devenir de notre château. Le fils d'Immon, Raoul, lui succèdera et sera nommé Comte du Quercy en 823.

Puis, c'est à partir de ces faits et des éléments cités dans le chapitre précédent, que sera dispensée la légende de Spérie, symbolisant l'installation royale franque apportant la paix et la stabilité face au "chaos", mais aussi le rôle primordial de l'église nicéenne désormais "catholique, apostolique et romaine", dans la gestion de la société carolingienne et de son devenir. On peut noter d'ailleurs que dans la version de la légende de l'abbé Paramelle, c'est en 760 qu'a lieu le martyr de Spérie dont l'étymologie "éspéria" signifie "espoir"; tout un programme!

Le castrum se nommera "Castri Sancti-Séréni" dans les textes latins et "Sant-Sérén" dans la langue vernaculaire. Le "n" final ne se prononçant pas (toujours valable en occitan), il sera oralisé "Sant-Séré" soit "Saint-Séré".

Le Moyen-Âge :

Comme notifié précédemment, le castrum de Saint-Séré ne possèdera pas de seigneur local fondateur d'une lignée imaginaire descendant de Sérénus; les "Saint-Séré", contrairement à nos voisins. Par contre, le fief avec ses terres dépendantes sera géré par plusieurs coseigneurs, "domini castri", et leurs familles: Arlalde, d'Araquy, Hugon, Matfrédi, Ramnulphe, Genet, ...

Ceux-ci s'établiront à proximité du promontoire dans le petit bourg en formation (la "mureta") au pied de la 1ère terrasse côté est. Deux vestiges de maison seigneuriale (une du XIIème siècle actuellement en ruine et une autre du XIVème largement remagnée) témoignent de l'existence de ce quartier aristocratique médiéval. L'enceinte elliptique du roc ne servira pas de lieu de logis mais de pouvoir avec l'établissement supposé d'une "tour blanche". Celle-ci assurera la fonction de tour "rendable" (redda ou reddoa). Symbole phallique, la redda était le lieu de restitution du castrum à un détenteur suzerain (dans ce cas, les comtes d'Auvergne et le duc d'Aquitaine). Elle n'était pas un donjon et servait de tour de guet, parfois de prison ou de tour de justice. Dans notre cas, son appellation de "tour blanche " dans les archives, nous laisse supposer qu'elle fut élevée avec des pierres contrastant avec celles du socle rocheux plus brun. Des fouilles archéologiques pourraient peut-être mettre à jour les vestiges de cette tour avec sa chapelle et préciser son emplacement exact même s'il est supposé côté ouest proche du bâtiment actuel.

Ce IXème siècle marqué par les invasions des normands (ils descendront la Dordogne jusqu'à Gintrac) verra le renforcement de l'église romaine. Le développement de l'esprit martyrologique et des reliques des saints qui lui sont rattachées favorisera l'enrichissement des deux ordres supérieurs; clergé et noblesse. L'établissement de la cité de Sainte-Spérie, martyre légendaire céphalophore, au pied du castrum est l'exemple typique de cette époque pour inciter des gens à s'établir à un endroit particulier sous prétexte d'obtenir ainsi "la protection" du saint fondateur. La cité en devenir, sous le contrôle de son développement par les moines de Figeac propriétaires de la gravière, attirera de fait nombre d'habitants et quelques familles de coseigneurs ("parciers") du castrum.

En l'an 901, le premier d'entre-eux, Arlalde, refusera la suzeraineté de Géraud, auto-proclamé comte d'Aurillac et maître du fief. Depuis Pépin le Bref, Saint-Séré, même s'il se trouvait sous l'influence des comtes du Quercy (établis à Turenne), était vassal des comtes d'Auvergne, eux-mêmes vassaux du duc d'Aquitaine. Or, ce Géraud d'Aurillac (futur Saint-Géraud), seigneur de nombreux fiefs en bordure ségaline, s'étant nommé sans autorisation comte, demandera à ses vassaux de le reconnaître comme légitime à la place de la lignée historique des comtes d'Auvergne. Arlalde ayant refusé, Géraud viendra mettre le siège au castrum et soumettre à son autorité le renégat et quelques autres coseigneurs l'ayant suivi. Sa main-mise ne durera que quelques années car les comtes d'Auvergne récupéreront leur suzeraineté légitime sur notre castellum à la mort de Géraud en 909 ou 920 (les historiens ne sont pas d'accord sur la date exacte).

Au milieu du Xème siècle, les Turenne seront dépossédés de leur titre de comte du Quercy au profit des comtes du Rouergue (qui le seront d'ailleurs plus tard par les comtes de Toulouse). Ils prendront cependant en compensation le titre honorifique de Vicomte de Turenne. Privé de la titulature historique quercynoise, ils développeront une principauté autonome sous l'égide du vicomte Bernard vers 950 (descendant de Raoul, la branche familiale sera nommée "les Ramnulphides" et ses descendants se considéreront toujours comtes du Quercy même s'ils n'en portaient plus le titre).

Le castrum de Saint-Séré se développera tout doucement. Sur le roc, demeurera la tour blanche, une chapelle et vraisemblablement une première loggia d'habitation sur les bases du musée actuel. Un village s'établira autour des maisons des coseigneurs, et sur plusieurs terrasses concentriques principalement versant est du pech et sous la protection du roc. La première se débarrassera de ses masures primitives et deviendra un patus (esplanade sécuritaire pouvant accueillir et protéger la population en cas de conflit).

En 1120, les vicomtes de Turenne, sous l'orbite aquitaine, obtiendront le droit de battre monnaie, témoignage de leur enrichissement et de leur puissance locale.

En 1137, Louis VII deviendra roi de France. Epoux d'Aliénor d'Aquitaine, il se séparera d'elle en 1151. En 1152, elle épousera Henri Plantagenêt, roi d'Angleterre mais vassal du roi de France pour ses terres sur le continent. Elle lui apportera de fait en dot l'Aquitaine.

Alors, en 1159, Henri II, roi d'Angleterre, duc d'Aquitaine et comte de Poitiers lèvera une armée de 700 chevaliers et, accompagné de Malcolm, roi d'Ecosse, et de Thomas Becket, partira occuper en son nom le Quercy et Toulouse. C'est ainsi que, pendant 12 ans, les troupes deThomas Becket occuperont notre promontoire.

En 1172, Alphonse Jourdain de Toulouse, se soumettra au duc d'Aquitaine et retrouvera sa possession du Quercy. Il rétablira son autorité de 1175 à 1176, s'attachera les uns et dépossèdera les autres par faits de guerre. Les vicomtes de Turenne, opportunistes, profiteront de cette période floue de féodalisation et d'alliances changeantes pour obtenir du comte d'Auvergne Guillaume VIII la châtellenie de Saint-Séré constituée du castrum nommé Saint-Séré, composé du "fort" (castellum ou castel: "château") et du hameau à ses pieds, et de la cité nommée quant à elle Sancta-Espéria (prononcée "Santo-Espério" puis Santo-Spério, le "E" étant "avalé", soit "Sainte-Spérie").

C'est ainsi qu'en 1178, dans la tour blanche, lors d'un rituel codifié, le comte d'Auvergne cèdera les clés du fortin au vicomte de Turenne Raimond II. A cette époque, dix coseigneurs vassaux géraient la place-forte. Le premier de ceux-ci était "Aymeric de Saint-Séré" qui, pour cette raison, devait sept mois de service d'entretien de la tour. En contrepartie, il percevait les revenus de l'église (chapelle?) du castel ainsi que celle de la cité de Sainte-Spérie. Il est noté qu'il habitait le castrum ("hospitium infra muros") vraisemblablement dans une des maisons du village attenant, même si un bâtiment (structure de base du musée actuel) semblait exister.

A partir de cette date, les deux entités de la châtellenie vont se développer, et participeront, chacune avec leur capacité, à l'essor économique de la vallée et à la puissance montante des vicomtes de Turenne qui en demeureront suzerains de 1178 à 1738.

Pour établir son autorité, Raimond II de Turenne engagera l'établissement d'une nouvelle tour rendable, côté est en bordure de la falaise dominant le hameau, en deux campagnes de travaux. La première jusqu'au 2/3 de l'élévation actuelle ayant pour caractère des contreforts enveloppants d'angles avec un contrefort médian intercalé (reprise d'une technique anglaise utilisée en d'autres lieux pendant leur occupation du Quercy) et la deuxième sous Raimond IV vers 1220 avec l'abandon des contreforts pour le dernier tiers surélevant l'édifice originel. Cette "petite" tour ou "tour romane" comme elle est surnommée de nos jours s'élèvera à 28m de haut sur près de 7m de côté avec des murs de 2m d'épaisseur. Elle aura 3 volumes intérieurs divisés en 7 niveaux. Elle ne possèdera pas de cheminée mais des latrines en encorbellement. L'accès se fera au niveau du 1er étage par un escalier extérieur lié à l'enceinte avec une passerelle volante, typique du début du moyen-âge. Le rez de chaussée sera accessible par une trappe intérieure et servira de silo (la porte extérieure actuelle d'accès à cette pièce est beaucoup plus récente). Le sommet sera constitué d'une terrasse autrefois couronnée par une ceinture de machicoulis, totalement détruite de nos jours. Accolée à ses pieds se trouvera une chapelle seigneuriale (vestiges), l'église primitive ayant "déménagé" en contrebas du pech sur le replat (bâtiment actuel), plus propice à l'accueil de plus en plus important des pélerins se rendant à Sainte-Spérie et à un développement prévisible avec un cimetière contigu. Cette église sera édifiée sous le vocable de Saint-Laurent. Dans un même temps, la "tour blanche" sera rasée car devenue inutile. Il ne subsistera donc que la tour du XIIème, un logis et quelques petits bâtiments annexes (fouilles archéologiques en cours).

En 1212, pendant la croisade albigeoise, le vicomte de Turenne se placera dans la mouvance directe du roi de France Philippe II Auguste et rendra hommage à Simon de Monfort en 1214, nouveau comte de Toulouse qui leur cédera la suzeraineté du château de Castelnau. Cela provoquera une guerre locale ravageant les deux châtellenies provoquée par Maffre de Castelnau qui ne voulait pas reconnaître la suzeraineté des Turenne. Malgré l'obtention de gains de cause pour ces derniers en 1219, 1221 et 1236, Maffre rejettera tout accord et passera directement hommageable au comte de Toulouse.

En 1188, Richard Coeur de Lion, duc d'Aquitaine et roi anglais, revenu en Quercy, sous prétexte que le comte de Toulouse n'avait pas respecté son serment de 1172, s'était emparé de Cahors et de 17 castrums. Suite au mariage de sa soeur Jeanne d'Angleterre avec Raimond VI de Toulouse, le conflit avait pris fin. Mais ses mercenaires anglais et hollandais désoeuvrés étaient devenus brigands et terrorisaient la région. En 1230, Raimond VI de Turenne avec l'appui des coseigneurs de Saint-Séré s'engagera alors à rétablir l'ordre dans sa vicomté et mènera une guerre sans merci contre ces routiers, rétablissant ainsi la sécurité.

En 1241, les barons du midi se révolteront avec l'appui de Henri III, roi d'Angleterre. En 1242, Louis IX défera les anglais à Saintes et obtiendra la reddition du comte de Toulouse. La vicomté de Turenne et Saint-Séré seront mis sous séquestre par le roi de France jusqu'en 1254. En 1259, par le traité de Paris, le roi d'Angleterre se reconnaitra vassal du roi de France en tant que duc d'Aquitaine et renoncera à ses prétentions sur toutes les autres terres françaises (sauf quelques fiefs dans le centre). Le duché d'Aquitaine prendra désormais le nom de duché de Guyenne. En 1263, Raimond VI de Turenne se reconnaitra vassal d'Henri III d'Angleterre à qui la tour lui sera rendable. En 1288 et 1290, Edouard Ier, nouveau roi d'Angleterre, réclamera à son tour les clés du castel.

La cité et le castrum vont se développer avec chacun leur spécificité. Sainte-Spérie basera son expansion sur son pélerinage et la rivière, (fertilité du terrain, force hydraulique, voies facilitées, ...) favorisant les foires, le commerce, l'artisanat et les micro-industries (tanneries, moulins, ...). Saint-Séré déclinera une économie essentiellement agricole: vignes, seigle, vergers, noyeraies, châtaigneraies, élevage bovin et porcin, bois, ... profitant des foires et marchés de sa voisine pour le commerce de ses productions. En 1292, une charte fondamentale sera concédée par le vicomte Raimond VII aux habitants de la châtellenie à la suite de quelques embarras financiers. La cité groupée en corporations professionnelles s'organisera en commune représentée par des prud'hommes, propriétaires fonciers et libres. Chaque particulier pourra avoir son four banal à condition de remettre au vicomte la moitié de ses revenus. Les impôts arbitraires seront abolis et les droits de taxes dues au vicomte seront fixés par les prud'hommes. Ces nouvelles libertés auront un coût; "15.000 sous de Cahors en un seul versement comptant et complet" (le sou de Cahors représentant 10 francs-or, ce qui faisait au total l'équivalent de 150.000 francs-or), mais elles vont permettre un développement rapide de la région. C'est au cours de cette période que l'église Saint-Laurent sera augmentée d'une annexe-nord puis sud multipliant par trois sa capacité d'accueil des pélerins et des fidèles. Après 1350, les serfs pourront vendre, donner et aliéner leurs biens moyennant des droits de mutation. Ainsi, peu à peu, les habitants de la campagne deviendront des hommes "libres" ce qui favorisera le morcellement des terres, le déboisement, les essarts mis en culture et l'apparition de métairies isolées ou regroupées en petits hameaux (Planèze, Plieux, La Catusse,...) en général sur des hauteurs ou chemins de crête (par souci de protection).

En 1332, sous Philippe VI de Valois, Edouard III d'Angleterre reconnaitra sa vassalité au premier. La vicomté redeviendra donc vassale du Roi de France.

La branche directe des Turenne s'achèvera avec Raimond VII. Sa fille unique se mariera avec Bernard de Comminges qui, par dot, à la mort de Raimond, deviendra notre vicomte. Pressé par les commissaires royaux, il devra rappeler alors au roi que les sujets de la vicomté "étaient francs et quittes de toutes prestations, tailles, collectes et imposition royale". Ce que le roi reconnaîtra, ordonnant à ses commissaires de "les laisser jouir paisiblement de leurs liberté et franchises". La fille de Bernard de Comminges, Aliénor, épousera en 1350 Guillaume Roger de Beaufort qui, à son tour, héritera du titre.

En mai 1337, Philippe VI fera saisir la Guyenne. En 1341, le conflit reprendra entre la France et l"Angleterre. En 1345, la "Guerre de 100 ans" débutera. En 1347, la peste noire partie d'Orient ravagera la France. En 1348, les villes seront emportées. L'église Saint-Laurent adoptera un deuxième patron: Saint-Roch, protecteur des pestiférés et des pélerins. En 1349, la famine s'abattra à son tour. En 1355, les anglais, sous les ordres du Prince Noir fils d'Edouard III d'Angleterre, lanceront une forte expédition. En 1356, ils ravageront la vicomté mais Saint-Séré et Sainte-Spérie, grâce à leur rempart seront préservés. En 1360, le roi d'Angleterre conservera l'Aquitaine. Ses compagnies de mercenaires mettront le feu en coupe réglée à toute la contrée. Les pélerins et les marchands seront rançonnés sur les routes. Les métairies subiront le même sort et seront même brûlées en nombre. Les routiers auront pour chef Mérigot Tête Noire, Ramonet Del Sort, Bertrand d'Albret et Bernard de la Salle qui s'empareront de Sainte-Spérie en 1369 et la pilleront (ils établiront leur quartier au" château des Anglais" d'Autoire). Notre vicomte Guillaume Roger de Beaufort aidé de Hugues puis de Jean de Castelnau traquera ces bandes de pillards. Cette même année, Charles V libèrera le Limousin et le Rouergue. En 1378, Guillaume Roger chassera enfin Bernard de la Salle de sa roc d'Autoire.

C'est à cette époque qu'il lancera la construction de la "grosse tour" ou "tour gothique" à la pointe nord du promontoire, haute de 35m et large de 10,5m. Elle aura l'aspect d'une tour féodale classique (sans contreforts) mais elle superposera intérieurement des salles de réception (4 niveaux) dotées de commodités et ornées de voûtes croisées d'ogives moulurées à la base de culs de lampe sculptés de feuillages et de visages. Elle possédera une porte au rez-de-chaussée, un escalier jusqu'au 1er étage puis un escalier à vis dans l'angle ouest. Au 2ème niveau la salle sera équipée d'une cheminée et d'une fenêtre géminée avec coussièges. Elle deviendra tour rendable mais aussi tour aulique, c'est à dire d'habitation apparentée à un donjon (soit pour le vicomte et/ou pour son représentant au castel; capitaine puis gouverneur selon l'époque).

Le logis seigneurial (actuel musée), sera agrandi sur 2 niveaux. Il comportera une grande salle ou "aula magna" pour les réunions officielles ou conseils. (Il ne reste de nos jours, de cette époque, qu'une partie des murs latéraux au passage d'entrée plus les traces d'un escalier droit qui conduisait à l'étage). Vraisemblablement que se trouvait dans ce bâtiment une chapelle seigneuriale. Tout autour, se succèderont d'autres annexes modestes inhérentes aux besoins des seigneurs (écuries, fours, cabanes, ...).

Puis Raimond de Beaufort et Pierre de Beaufort (successivement fils et petit-fils de Guillaume Roger), relèveront la vicomté. La prospérité reviendra, même si, en 1407, Henri V d'Angleterre reprendra la guerre.

En 1444, la fille unique de Pierre de Beaufort, Anne de Beaufort, épousera Agne de La Tour d'Auvergne, seigneur d'Oliergues (conseiller et chambellan de Charles VII et Louis XI). En 1453, Charles VII le victorieux reconquerra la Guyenne: fin de la guerre de 100 ans.

La Renaissance :

En 1464, Agne de la Tour autorisera des syndics à Sainte-Spérie pour diriger des travaux de fortifications et de fossés. L'acte sera passé au château devant Rouffot Joffre, capitaine du château, Jean Vigier, lieutenant de la châtellenie et Antoine de Labrayrie, procureur du vicomte. En 1467, le vicomte scindera l'administration de la vicomté en "états du Quercy" et "états du Limousin". En 1490, son fils François de la Tour concèdera aux habitants le droit "d'indemnité, de franchise, de liberté et d'exemption de paiement des droits de péage et d'entrée pour leurs marchandises dans toute la vicomté". L'acte sera passé au château en présence de "Bernard et Rigald d'Araquy, nobles du castel".

Succèdera Antoine de la Tour. Sa fille, Marguerite de la Tour, épousera Pierre II de Castelnau, réunissant ainsi de nouveau les deux grandes familles féodales de la vallée. Cela se passera le 21 mai 1514 au château.

En 1522, 1523 et 1524, la peste ravagera de nouveau la cité et les hameaux de Planèze et Plieux. Les habitants s'enfuiront dans les bois du Ségala pour se préserver au mieux de la promiscuité dangereuse des rues et ruelles de la ville. En 1530 les vignes gèleront et tous les noyers périront.

Malgré cela, au XVIème siècle, la population subira une forte poussée démographique (elle est multipliée par 3 en 75 ans). L'église Saint-Laurent s'agrandira d'une nef centrale et de deux chapelles latérales. Les pièces primitives seront transformées en sacristie. Des fermes ou bordes plus conséquentes (ferme forte de Lacombe, ...) s'établiront sur tout le territoire de la paroisse. Les hameaux s'étofferont (Crayssac avec La Catusse, Planèze avec ses Barry haut et bas, Plieux, ...). Les cultures du froment, du seigle, du chanvre, des vignes, ... seront en pleine expansion. Les familles nobles s'installeront dans la cité au commerce très actif, abandonnant le bourg du château à des métayers (bordiers) à leur service ou libres. La noblesse terrienne deviendra "noblesse de cour". De nombreux manoirs ou hôtels particuliers s’élèveront dans la ville (d’Auzier, Olier, Puymule, …) ou à proximité comme le manoir de La Boisse trouvant son origine dans l'emplacement d'un édifice (XIIIème, XIVème siècle?) appartenant à des chevaliers de Saint-Séré: les Bonafous et qui, fin XVème siècle deviendra propriété des seigneurs de Merle.

La religion réformée fera des adeptes. En 1555, le pasteur Etienne Gragnon envoyé par Calvin viendra prêcher à Sainte-Spérie et Saint-Séré. En 1562, la guerre civile s'installera. Les huguenots amenés par Bessonies de Sousceyrac avec près de 300 cavaliers pilleront les églises proches et envahiront Sainte-Spérie. Il s'y reprendra de nouveau en octobre 1566; les reliques de la Sainte seront brûlées. En 1569, c'est au tour du Comte de Montgommery de prendre la relève pour le pillage. Idem en 1574, mais cette fois-ci, voulant s'attaquer au château défendu par le gouverneur du vicomte et des habitants de Sainte-Spérie qui s'y étaient réfugiés, il sera repoussé.

En 1576, le vicomte de Turenne Henri de la Tour se réunira à la cause protestante, ce qui changera la donne. Sainte-Spérie sera l'objet de nombreuses exactions des deux partis religieux au sein de la population et cela jusqu'en 1586. Le château sera saccagé. C'est le 10 février de cette année que le duc de Mayenne aux ordres d'Henri III soutenu par la ligue catholique, reprendra la ville et le château où il installera une garnison royale pour "protéger les libertés catholiques". Le vicomte s'enfermera dans son château de Turenne.

Le 25 juillet 1593, Henri de Navarre se convertira au catholicisme et se fera sacré roi de France en février 1594.

Le vicomte de Turenne se séparera d’henri IV, jaloux de n’avoir été nommé que lieutenant général du roi et non pas gouverneur de Guyenne. Il proposera sans succès la division de la France en 9 provinces organisées en manière de république et créera une ligue protestante. Après l’édit de Nantes, le vicomte se "calmera" et rentrera en grâce d’Henri IV en 1601. Mais en 1602, il conspirera et armera le château. Au mois d’août 1605, le maréchal de la force du Périgord sera chargé de reprendre la main sur la vicomté. Les portes du château s’ouvriront à l’armée royale et le vicomte reviendra dans les grâces du roi. Le vicomte demeurera à Sedan dans sa principauté et ne reviendra plus en Quercy, laissant le château sous le contrôle de son gouverneur. A la mort d’henri IV en 1610 les protestants de France se révolteront, mais la vicomté ne suivra pas le mouvement.

En 1623, Frédéric Maurice, vicomte de Turenne deviendra duc de Bouillon. En 1628, la peste reviendra à Sainte-Spérie et Saint-Séré mais grâce aux prescriptions du Médecin Soulhol, elle fera peu de dégât dans les deux paroisses. En 1629, c’est la paix d’Alais et la fin des tensions religieuses. En 1634, avec son frère, l'illustre Maréchal de Turenne, Frédéric Maurice se battra contre Richelieu et Mazarin dans le but de les renverser. Le Maréchal de Schomberg, sur ordre de Richelieu, prendra le château. Obligeant le vicomte à signer des "accommodements", ce qui permettra à Louis XIII de consentir aux privilèges de la vicomté.

En 1642 le vicomte Frédéric Maurice de la Tour abjurera le protestantisme, il accordera un hôtel de ville à Sainte-Spérie-Lès-Saint-Séré (nouveau nom) et trois consuls à la place des syndics. La ville sera autorisée à avoir un sceau portant ses armes. Cependant, toutes ses actions et décisions devront être contrôlées par le capitaine-gouverneur du château, subordonné immédiat du vicomte en son absence, et détenant tous les pouvoirs et prérogatives.

L’église paroissiale Saint-Laurent poursuivra son développement avec l’édification d’un clocher. Les défrichements seront encouragés. Les marécages seront assainis (Sagne, Béoune) ainsi que les bords de la rivière (Gary, Riols, ...), des peupleraies y seront plantées. La bourgeoisie locale acquerra de plus en plus de terres; les communaux se transformeront en enclosures et morcelleront encore plus les forêts et prairies de la paroisse, en restreignant les droits abusifs de passage et d'usage. Les vergers se développeront: pruniers, pêchers, et même amandiers, ainsi que les noyeraies et les châtaigneraies.

Par la suite, le vicomte entrera dans la conspiration de Cinq Mars et en 1650, avec son frère, il se lancera encore dans une nouvelle fronde. Il armera Sainte-Spérie et le château et fera exercer aux armes les habitants pour défendre la place. En 1651, la révolte sera réprimée par Mazarin.

La monarchie absolue :

Frédéric Maurice mourra en 1652 laissant la vicomté à son fils Godefroy Maurice. Ce dernier acceptera la vie à la cour de Louis XIV et, en 1662, il épousera la nièce de Mazarin.

En 1685, ce sera la révocation de l’édit de Nantes. Les protestants de la contrée se convertiront en masse. Le manoir de la Boisse deviendra propriété de Jacques Auriole, baron de Gramat et seigneur de Loubressac, lié, suite à des alliances successives, aux Bonafous, anciens seigneurs du manoir.

En 1693, suite à une nouvelle reprise de la peste, la famine règnera, suivie de disettes continuelles de 1698 à 1715. L’hiver 1709 sera très froid; la Bave restera glacée pendant 2 mois, suivi de fortes gelées provoquant de nombreux décès de nouveaux-nés. Les loups et les sangliers feront rage dans notre campagne. Tous les arbres fruitiers et les semences seront gelés. Et pour couronner le tout, une épidémie de peste s’ensuivra en 1710.

En 1719, la culture du tabac se développera dans la plaine. Les conditions climatiques et de vie s’amélioreront. Le commerce des produits agricoles s’intenfiera comme la vente de vin avec la Haute-Auvergne. Les fermes et les hameaux verront se développer les pigeonniers, les maisons à étage et les demeures aux toits à la Mansard typiques du coin. Plieux, Planèze et surtout Crayssac vont doubler et même tripler leur population en débordant de leur noyau central en bordure des voies d'accès. Pour favoriser les ventes, le 18 décembre 1722, le vicomte autorisera 4 foires supplémentaires (soit 12 au total) à "Sainte-Spérie dite Saint-Séré", le terme de Saint-Séré étant de plus en plus utilisé pour désigner la cité. Le castrum quant à lui, sera majoritairement nommé "Saint-Laurent" du nom de son église paroissiale.

En 1726, le château accueillera en grande pompe le Comte d’Auvergne.

Dans les manuscrits, La ville de Sainte-Spérie sera désormais appelée officiellement "Saint-Séré" et la paroisse "Saint-Séré" deviendra "Saint-Laurent".

En 1728, un moulin à papier s'établira à la "fontaine de Ban" au sortir d'une source.

Par leur vie de luxe à Versailles, Godefroy Maurice et, à sa suite, son fils Emmanuel Théodose s'endetteront et se ruineront aux jeux. En 1737, les états de la vicomté offriront 1.000.000 de livres pour aider à payer les dettes et éviter d'être assujettis au roi en perdant leurs franchises. Mais cela ne suffira pas. La vicomté sera cédée au roi Louis XV le 8 mai 1738 malgré la conservation du titre de vicomte de Turenne, pour une valeur de 4.200.000 Livres. Nous serons le dernier grand fief de France à être réunis à la couronne royale. Cela marquera la fin des libertés et franchises, la charge fiscale sera multipliée par quatre (ce qui provoquera des émeutes de la population et, en réaction, des répliques musclées de l'autorité royale). Nous dépendrons de l'intendance de Montauban, élection de Figeac. Dans le même temps, en 1747, le roi cèdera à la famille de Noailles les droits du vicomte et leur vendra le château. Inoccupé, celui-ci tombera en ruine et le petit bâti (hors tours) servira de réserve de pierres pour le bourg.

Les Massip, bourgeois de Saint-Séré achèteront le manoir de La Boisse. Ils l'embelliront et éleveront le château actuel à partir de deux logis accolés, flanqués de tours en poivrière à ses angles. Leur neveu, François Lauricesque en héritera.

La Révolution Française :

Sous la Révolution française, en novembre 1789, l'assemblée constituante adoptera un projet de création de départements dont les noms seront choisis en fonction de la géographie et de l'hydrographie. Le département du Lot avec Cahors comme chef-lieu sera créé ainsi que 6 districts: Cahors, Gourdon, Figeac, Montauban, Lauzerte et Martel. Nous dépendrons du district de Martel. En 1790, ce dernier deviendra celui de Saint-Céré. Dans le même temps, les communes seront créées à la place des paroisses. Toutes les connotations religieuses et les noms de Saints seront éliminés. Saint-Séré deviendra "Franc-Céré" ("Céré" se rapportant à la Cère toute proche et évite ainsi tout rapport avec Saint-Sérénus), puis "Céré-La-Montagne" en 1793, "Sincéré" en 1794 et enfin "Seu-Céré". Saint-Laurent deviendra "Seu-Laurent". En 1795, toutes les communes reprendront leur ancien nom; "Saint-Laurent" pour nous et "Saint-Céré" qui gardera le "C" au lieu du "S". En 1800, les arrondissements seront créés après les cantons (déjà en place depuis 1795) en lieu des districts; respectivement Figeac et Saint-Céré pour nous.

Les temps modernes :

Notre commune se maintiendra avec une population de 500 habitants environ essentiellement rurale jusqu'au 1er conflit mondial de 1914.

Jean Paul de Noailles revendra à son tour le château en 1806 pour 300F au sieur Guillaume Vernéjoul avec "défense de toucher à la petite tour".

Dans ces mêmes années, les De Lavaur, une des plus anciennes familles nobles de Saint-Céré (attestée au Xème siècle!), deviendront propriétaires du château de La Boisse. Ils prendront le titre de "De Lavaur De Laboisse" et génération après génération, deviendront personnages importants et influents de la commune. (Voir liste des maires de la commune).

En 1826, M. Vernéjoul, ancien maire de Saint-Laurent, offrira le château au département qui le refusera. Le château demeurera "abandonné" sans entretien.

En 1846, la commune de Saint-Laurent sera officialisée "Saint-Laurent-Les-Tours"

Depuis 1792 et jusqu'à cette époque, les conseils municipaux étaient recrutés par des élections de types censitaires et oligarchiques. L'élection des maires dans les petites communes sera introduite après la révolution de 1848 et la proclamation de la république. Rapidement cependant, la république prendra un tournant conservateur et reviendra à un régime centralisateur quasi absolu : maires et adjoints resteront nommés par les autorités supérieures. Il en sera ainsi pour les maires de notre commune.

En 1868, faisant suite à l'accroissement démographique des campagnes et pour contrer la poussée laïque, le hameau de Crayssac sera érigé en paroisse comprenant plusieurs hameaux alentours. L'église Saint-Pierre-és-Liens sera édifiée avec son cimetière en contrebas de la crête. Dans le même temps, des croix de chemin seront érigées à tous les croisements de voies importantes.

La loi du 5 avril 1884 instituera un régime juridique uniforme pour toutes les communes. Elle affirmera l'élection des membres du conseil municipal au suffrage universel direct et l'élection du maire par le conseil municipal. Le bourg de Crayssac sera considéré comme section de commune "possédant à titre permanent et exclusif des biens ou des droits distincts de ceux de la commune ». Ces sections sont propriétaires de biens immobiliers, mobiliers ou de droits collectifs et leurs membres n'en ont que la seule jouissance collective. La gestion des biens et des droits de la section est assurée par le conseil municipal et par le maire de la commune. Mais une commission de la section (organe de gestion) peut être constituée. Crayssac possèdera donc son propre bureau de vote. Deux conseillers municipaux de Saint-Laurent devront être membres de la section. Traditionnellement, celui qui aura le plus de voix aux élections sera nommé 1er adjoint de la commune.

En 1894, M. Lafon de Verdier deviendra acquéreur du château. Il fera rebâtir le logis seigneurial dans un style néo-médiéval, en l'agrandissant  et en le surélevant. Il rajoutera deux petites tours dans l'enceinte, une côté sud-ouest et l'autre à proximité de l'entrée du rempart lui-même surélevé.

A la fin de la 1ère guerre mondiale (1914-1918) qui apportera son lot de deuils dans la commune, la démographie chutera (pour atteindre 300 habitants environ en 1960). Les conséquences du conflit puis l'exode rural vers les villes auront largement leur part de responsabilité. Le bourg historique sous le château côté est sera délaissé et la moitié de ses habitations tomberont petit à petit en ruine. Idem pour le hameau côté ouest, au-dessus des Vignals.

En 1901, Saint-Laurent accueillera une école de filles confessionnelle, puis, en 1926, une école communale sera établie à Crayssac en face de l'église. Suivi de même en 1930 à Saint-Laurent au carrefour de Lapascalie, dans un bâtiment classique comprenant aussi la mairie. Celle-ci fermera en 1966, et ses élèves iront à Saint-Céré alors que celle de Crayssac sera maintenue.

Durant la seconde guerre mondiale, une radio clandestine mobile sera installée dans la grosse tour par un groupe de résistants toulousains. Le tapissier Jean Lurçat, entré lui aussi dans la résistance, tombera "amoureux" du château. En 1945, il l'achètera. Il y installera son atelier, décorera les murs, les plafonds, les menuiseries et fenêtres et fera ériger la petite tour de l'entrée. Après son décès le 1er juin 1966, sa compagne Simone Lurçat en héritera et en confiera les lieux au département du Lot en 1986. Celui-ci y établira un musée départemental conservant les oeuvres de l'artiste. A la mort de Mme Lurçat en mars 2009, le château deviendra entière propriété du département qui lancera la restauration de certaines parties de la muraille et de la grosse tour du XIVème siècle, en attendant celle de la tour romane et des remparts prévue en 2022...

L'époque contemporaine :

Pendant les "trente glorieuses" (1950 à 1980) puis la mode du "retour à la terre" la population de la commune subira une hausse spectaculaire (principalement suite à la construction des résidences "au vert" de commerçants et artisans de Saint-Céré) pour atteindre 900 habitants en 2010 avant de stagner avec une moyenne de 950 habitants jusqu'à nos jours. Le phénomène sera visible majoritairement dans le secteur "bas" de la commune proche de Saint-Céré et de ses infrastructures, délaissant ainsi la partie "nord" centrée autour de Crayssac qui, vers 1960, accueillera cependant une nouvelle école plus moderne comprenant deux logements.

Notre commune deviendra une "cité dortoir" pour les habitants "aisés" de Saint-Céré (la côte menant de Saint-Céré au château et qui verra la construction des premières maisons dans les années soixante sera surnommée "la colline aux millionnaires"). Par la suite, l'urbanisation en marche se composera essentiellement de lotissements groupés par secteurs, comprenant des maisons avec terrain attenant (Béoune, Gary, Les Béquenques, Plieux, Cartoule, La Brunie Haute, Costerousset). Dans le même temps, dans les années soixante-dix, la plaine longeant l'Aygue vieille, anciennement terre maraîchère, se transformera en zone artisanale (actuellement actipôle) puis commerciale avec les grandes surfaces dans les années quatre-vingt-dix.

Une nouvelle mairie sera élevée en face de l'église, asssociée à une salle des fêtes. L'accroissement de la commune aura pour avantage de lui apporter des subsides. Fort de cette manne, M. Fernand Larribe, maire, ouvrira une nouvelle école en 1991 dans le quartier des béquenques; le Groupe scolaire Jean Lurçat. Les élèves de la commune scolarisés alors à Saint-Céré rejoindront ce nouveau bâtiment. Celui-ci comprendra 3 classes puis, rapidement 4 et 5, pour atteindre plus de 100 élèves de nos jours. De fait, l'école de Crayssac sera fermée. En 2006, la commune de Belmont-Bretenoux ayant fait de même avec la sienne, se raccrochera à celle de Saint-Laurent. Les effectifs du groupe scolaire monteront jusqu'à 120 élèves provenant de 15 communes des alentours.

En décembre 1995, nous serons rattachés à la communauté de commune de Saint-Céré qui deviendra "communauté de communes causses et vallée de la Dordogne" (Cauvaldor) en 2015.

En mars 2001, Crayssac avec une population de 60 habitants environ deviendra subdivision de la commune et y sera réuni entièrement. Son bureau de vote sera supprimé.

La salle des fêtes sera réaménagée et la mairie agrandie. Un espace sportif sera développé à proximité, puis une halle sera rajoutée dans les années 2010 dans l'attente d'y accueillir un marché hebdomadaire en 2021. Dynamisant ainsi un peu plus le "centre" du bourg où il fait bon, chaque fin de semaine, s'y retrouver en famille sur les pelouses pour pique-niquer et se distraire.

Epilogue :

Les compétences gestionnaires des économies (artisanat, commerce, tourisme, industries, agriculture,...), du social (sports, santé, ...), et des infrastructures (routes, patrimoine, ...) se sont détachées progressivement des municipalités pour dépendre d'autres entités administratives: la communauté de communes, le département, la région, l'état, et ... l'Europe.

C'est ainsi.

Nous avons été unis avec Sainte-Spérie malgré nos différences (secteur commercial et artisanal dans la cité, secteur agricole pour nos hameaux et fermes), dans l'enrichissement et le développement par les foires et marchés. Par la suite, nous nous sommes "séparés" à l'issue du second conflit mondial avec les "trente glorieuses" nous laissant à notre propre évolution et autonomie. Aujourd'hui se recrée notre lien historique avec ces intendances communautaires gérantes de notre avenir partagé entre nos deux lieux de vie.

Malgré notre dénomination de "Saint-Laurent", nous sommes tous des "enfants" de Sérénus et de l'historique "Sancti-Séréni", comme ceux de la ville voisine qui s'est approprié notre toponyme originel. Le devenir de nos deux communes particulières demeure indissociable.

Notre histoire fut chaotique et elle le sera sûrement encore. Mais lorsque nous levons les yeux et que se dressent devant nous fièrement nos tours sentinelles, toujours debout après plus de 600 ans et 800 ans d'existence, nous ne pouvons qu'être sereins et optimistes dans les capacités humaines et croire à la construction d'un avenir meilleur.

 

Michel Arnaudet le 4 avril 2022